Ulysse = celui qui a erré, parcourant un vaste espace tt au long de son voyage de retour, passant d’un territoire à l’autre. Dans ce voyage, importance de l’évocation des lieux, de la ville de départ, Troie, à celle du retour escompté, Ithaque, en passant par des points + ou – hospitaliers : Ogygie, Schérie, Aiaié, Hadès…
En quoi l’évocation des lieux rend-elle compte du mélange de réalisme, de symbolique, et de merveilleux, qui caractérise l’Odyssée ?
I- Les contours d’un monde hellénique :
1) un espace largement décrit qui reprend les contours du monde grec : une terre méditerranéenne et généreuse. Terre giboyeuse (chasse chez Circé ou chez les Cyclopes), avec une nature riche d’essences multiples. Bcp de noms d’arbres : chênaie, peupliers, persil, olivier … Importance de la vigne dont on tire le vin, que boit Polyphème, mais qui sert surtout au rituel d’accueil, comme chez les Phéaciens. Espace également qui porte le blé, fondement de la civilisation méditerranéenne : les hommes sont appelés par périphrase, les « mangeurs de pain ». Si la nature est généreuse, c’est que l’eau coule à foison, avec de fréquents renvois aux fleuves et fontaines.
2) A l’inverse, la mer = l’endroit où ne pousse rien. L’espace de l’Odyssée est un espace maritime, comme l’est le monde grec. La mer joue le rôle de trait d’union entre les hommes (elle permet de passer de Troie à Ithaque), tout comme elle est ce qui sépare les terres et fait obstacle au retour. De là une gradation dans les termes employés pour décrire la mer : le rivage hospitalier de la Schérie où Nausicaa accueille Ulysse (als), la « mer poissoneuse » qui permet le retour des Schérie jusqu’à Ithaque, la haute mer sur laquelle la navigation est moins aisée (pelagos, la mer libre), puis la haute mer (pontos) et le gouffre où le danger est présent (après le départ d’Ogygie quand Poséidon poursuit à nouveau Ulysse). C’est la tradition maritime des Grecs qui apparaît ici : on peut naviguer sur la mer, mais elle présente toute sorte de dangers : les vents déchaînés (Eole), les écueils (Charybde et Scylla), les pilleurs (les Phéniciens cités par Alcinoos, qui en exclut Ulysse). Autant de danger que l’Odyssée traite en les transformant en récits. Le monde grec se structure autour de la Méditerranée : la mer que parcourt Ulysse est d’ailleurs circoncise par le fleuve Océan.
3) Certains commentateurs ont poussé plus loin la ressemblance des lieux de l’Odyssée avec l’espace méditerranéen. Victor Bérard, par exemple, a proposé une carte où les îles et terres où Ulysse accoste correspondent à des lieux réels. Un espace qui va d’est en ouest : départ de Troie, en Asie mineure, puis les Cicones en Thrace, le passage du cap Malée = pointe sud du Péloponèse. Les lotophages sur la côte africaine (Djerba), les cyclopes proches de la Sicile, l’île d’Eole au niveau de l’Etna, Circé, les Sirènes, C et Sc sur la côte italienne, l’Hadès à l’extrémité ouest de la Méditerranée, tt comme l’Ogygie, assimilable à Gibraltar. Retour vers Ithaque en passant par la Schérie, sur la côte ouest de la Grèce.
Cependant : une perspective battue en brèche : on préfère une interprétation symbolique, plus que réaliste de l’espace de l’Odyssée.
II- Structuration verticale : les hommes, les dieux, les morts.
1) L’espace humain = l’espace du milieu. Une terre fertile (« la terre donneuse de blé ») que l’homme cultive : l’activité humaine est tournée vers l’élevage et l’agriculture. L’homme n’y est pas seul et vit en société, les rapports sont régis par un certain nombre de règles : l’accueil qui passe par le don ou le festin, les règles fixées sous forme de lois et que la présence d’un souverain fait respecter. Un espace intermédiaire, dont le modèle est Ithaque, décrite par Athéna au chant XIII :
« ni trop misérable, ni trop vaste,
on y trouve le blé en abondance, du bon vin,
[…] terre de chèvres et de vaches, les forêts
y sont de toute essence, et les abreuvoirs toujours pleins ».
Ithaque est donc marquée par sa douceur : l’abondance est réelle, mais encore faut-il cultiver la terre (nécessité du travail, qui constitue le propre de l’homme) + tout y est mesure, sans excès. On comprend la nostalgie d’Ulysse, d’autant que ce dernier assume pleinement son humanité, en repoussant par exemple les offres d’immortalité de Calypso. Ithaque est d’ailleurs le lieu que « beaucoup de mortels connaissent ». Dans ces lieux humains, les dieux se hasardent (Athéna à Ithaque), mais l’homme n’a pas le droit d’accéder à l’Olympe ; il peut communiquer avec les dieux par les holocaustes, la fumée des bûchers s’élevant vers le foyer des dieux, le Ciel.
2) De fait, l’espace humain est borné. Au-dessus de lui, le Ciel divin, Ciel dit « de bronze » car magnifique mais aussi impénétrable. Les dieux y devisent, sous l’égide de Zeus. En deçà, on trouve le monde des Enfers, l’Hadès, qu’Ulysse entrevoie : une terre désolée et sombre, qui demeure inconnue. Ulysse se trouve à la marge de cet espace ; les morts, attirés par l’odeur du sang, viennent à lui, mais le héros ne descend pas jusqu’au royaume de Proserpine, dont il craint qu’elle ne lui envoie, s’il ne viole son territoire, la tête de la Gorgone, pour le transformer en pierre.
3) Entre ces deux espaces, Ulysse traverse un certain nombre de terres intermédiaires. C’est le cas de la Schérie : Nausicaa est comme une déesse, comparée à Artémis, mais demeure humaine. La terre demeure éloignée de l’espace des hommes (« très loin des hommes mange-pain ») : le palais d’Alcinoos est merveilleux, avec ses chiens de bronze qui en gardent l’entrée (peut-être des automates sculptés par Héphaïstos ?), l’île est un petit âge d’or proche de l’Olympe. Les activités qui y sont menées sont cependant humaines : Ulysse y retrouve une cité structurée, avec ses rituels (jeux, festins, regroupement autour de l’aède) : il s’agit d’une étape de transition avant le retour à Ithaque. L’Ogygie est un autre espace intermédiaire, étrange : c’est presque un non-lieu, car même les dieux n’y pénètrent pas ; elle est « aux confins du monde ». Cependant, Calypso a tout de la déesse : elle se délecte de nectar, et est immortelle. L’Ogygie est fertile, mais toutefois, peut s’assimiler à la mort : y poussent des plantes funèbres, comme le persil ou les cyprès, et Ulysse sait bien qu’à trop rester dans cet endroit caché de tous, il risque une autre forme de mort : que l’on ne parle plus de lui dans le monde des hommes, que ni sa mémoire ni sa gloire ne soient célébrées, qu’on l’oublie tout bonnement.
III- Une structuration horizontale de l’espace : aux marges de la sauvagerie et de l’inquiétude.
1) Ulysse quitte peu à peu le monde des cités, qui caractérisent l’espace des hommes : Troie, Sparte, Ithaque. Il s’enfonce alors de plus en plus vers des territoires hostiles, en même temps que le récit prend une coloration étrange. Chez les Cicones, les compagnons d’Ulysse sont massacrés pour n’avoir pas respecté les règles de l’hospitalité, puis Ulysse croise le cap Malée … et l’on s’enfonce vers l’étrangeté : monde des plantes inconnues (le lotus ou le moly), des sortilèges (Circé, chant des Sirènes), des monstres (les géants cyclopes, C et Sc)… C’est souvent l’antre qui représente ces espaces du danger, coupés du monde : cavernes de Calypso, Circé, Polyphème, C et Sc. Comme l’a noté Bérard, ce voyage vers l’étrange et le merveilleux se double d’une pérégrination vers l’ouest, le lieu sombre où se couche le soleil.
2) Ce monde occidental est aussi celui où les valeurs humaines s’estompent. L’homme n’y cultive plus la terre (dans l’île de Polyphème, il est vrai, tout pousse spontanément ; chez Circé, les champs de blé sont remplacés par de profondes forêts) ; l’accueil n’est plus de mise (raillé par Circé qui transforme le rituel en acte magique de soumission ; refusé par Polyphème qui repousse Ulysse qui s’est pourtant présenté comme un naufragé) ; on ne vit pas en société : Calypso n’est pas même connue d’Hermès ; Eole est bouclé dans son île et sa famille est consanguine…
3) Là encore, c’est avec l’Hadès que s’achève le processus. Le lieu est mystérieux, l’ombre qui y règne pouvant servir de métaphore à ce mystère. Les contours de l’humanité s’y délitent puisque les êtres n’y sont plus qu’un souffle qui provoque la « peur verte ». Ulysse s’y enfonce le plus loin dans l’étrange … et le récit dans la fiction, c’est-à-dire dans la fable, dans l’imaginaire.
L’introduction doit comporter une amorce en lien avec le sujet. On y formule une problématique, qui précise le sujet, en donnant une idée du plan qui sera suivi, du fil directeur adopté (autre solution ici : comment Homère passe-t-il d’un terrain assimilable à la Méditerranée, à un espace symbolique de la place des hommes et des dieux, et à un univers merveilleux propice au récit ?).
Le plan comporte des axes différents, qui se complètent pour explorer les différentes facettes du sujet. Les parties s’organisent en paragraphes qui s’organisent autour d’une idée nouvelle à chaque fois. Chaque paragraphe sera illustré par des références précises au texte, que l’on interprètera au mieux.
je dirais que c'est un excellent je felicite l'ecrivain de cette disertation et je remercie infiniment
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EXCELLENT , j'en ai des larmes :')bravo !!!!cool