Les fées
* Je ne peux pas dire que j’en sois étonnée, mais le conte est très stéréotypé : la douce jeune fille finit avec son prince tombé amoureux d’elle, après avoir été maltraitée par sa mère et sa sœur (ressemblance avec Cendrillon) tandis que la méchante meurt. Le cliché est cependant utile à la morale de l’histoire.
* Le merveilleux est présent, au niveau des personnages : la fée, le fils du roi apparu comme par magie, mais aussi bien sûr par rapport aux pouvoirs de la fée : ses transformations en une vieille femme puis en une belle dame, et les dons qu’elles accorde aux deux sœurs.
* La morale me semble claire : la douceur vaut mieux que les richesses matérielles, et l’honnêteté récompense, bien qu’elle demande des efforts pas toujours évidents à fournir. Elle me paraît donner la signification du conte, dans le sens où la douceur et l’« honnêteté » de la première jeune fille lui valent de finir heureuse, tandis que les richesses extérieures de Fanchon, qui cachent un cœur mauvais, la font mourir détestée. La première a été maltraitée, mais récompensée de sa persévérance.
* Les deux illustrations de Doré représentent la jeune fille honnête.
Sur la première, on peut voir avec elle la vieille femme, dont le visage est voilé et qui porte une cape qui l’enveloppe entièrement, de sorte qu’on ne peut vraiment la distinguer : la chose peut paraître inquiétante puisque, comme on s’en aperçoit, on ne peut savoir qui elle est et par conséquent l’étendue de ses pouvoirs.
Pour la deuxième, seul l’espace où se situent la jeune fille et son prince est éclairé. Je ne pense pas que l’ombre dans laquelle se trouve la suite de ce dernier soit inquiétante, elle me semble plutôt destinée à mettre en valeur le couple. Détail humoristique : on remarquera que la jeune fille n’a toujours pas lâché sa cruche, alors qu’elle est restée longtemps chez elle avant de devoir s’enfuir (au moins le temps pour sa sœur d’aller et de revenir de la fontaine).
Riquet à la Houppe
* Le fait que Perrault remette en question le pouvoir de la princesse de rendre beau celui qu’elle aime m’a un peu agacée : après tout, le don que lui a fait Riquet était réel, alors pourquoi n’en serait-il pas de même ensuite ? D’un autre côté, le fait qu’il reste laid aux yeux des autres montre l’amour que lui porte la princesse.
* Parmi les éléments merveilleux, on notera donc évidemment le pouvoir de l’amour, qui rend possible les dons (merveilleux aussi) accordés à Riquet et à sa princesse.
* La première moralité me semble aisée à comprendre : la princesses est séduite par Riquet, et l’on se demande si ce n’est pas uniquement par amour pour lui qu’elle le trouve beau (sans donc qu’il le soit devenu pour les autres).
Pour la seconde, elle me paraît moins évidente dans la mesure où « l’agrément invisible » n’est pas explicité : il nous faut donc trouver de quoi il s’agit, l’honnêteté sans doute. La notion est belle, mais m’a surprise : dans tous les contes que j’ai pu lire du XVIIème siècle, qu’ils soient de Perrault, de Mme d’Aulnoy, des Comtesses de Murat ou d’Auneuil, etc., à moins que mes souvenirs ne soient mauvais, les jeunes gens tombent follement amoureux de personnes d’une beauté sans pareilles. L’amour naissant donc souvent au premier regard, ce n’est qu’ensuite qu’ils découvrent qu’elles ont de l’esprit et de la douceur (car dans aucun des contes que j’ai lus beauté et méchanceté ne sont associées, sauf bien sûr lorsqu’une sorcière se métamorphose, ce qui est un cas à part). Le cœur de ces jeunes gens est donc bien rendu sensible par les attraits physiques, même s’il est vrai que leur amour est ensuite renforcé par le caractère de l’être aimé.
* Un seul passage du conte est illustré : avant que la princesse ne se souvienne de sa promesse. Petite incohérence : d’après la phrase de légende, Riquet ne devrait pas être à ses côtés, or il semble que cela soit le cas sur la gravure. Le détail inquiétant est, je pense, le fait que la bêtise, l’ignorance de la princesse soit remise au goût du jour : à ce même endroit illustré que l’année précédente, elle a promis à Riquet de l’épouser. Or cette promesse a été faite par pur intérêt, et bien que la princesse l’ait oubliée, on peut penser que, n’ayant à priori, du fait de son intelligence enfin acquise, plus d’intérêt à ce mariage, elle va rompre son serment. Que signifie cela ? Soit Riquet reste à l’aimer, mais est malheureux, soit il se « guérit » de son amour, auquel cas la princesse risque de redevenir stupide… Mais je vais sans doute chercher loin. En restant plus concentré sur l’image, on remarquera que la princesse est cernée et donc forcée de faire face à Riquet et à sa promesse : elle ne peut s’enfuir et son futur se joue donc ici et à ce moment.
Le Chat Botté
* Je trouve surprenant qu’un chat puisse parler sans étonner personne : cela semble normal de voir un chat marcher et s’exprimer comme un être humain ; d’autre part, je me suis toujours questionnée sur une chose : les paysans que le chat menace cultivent des terres qui appartiennent à l’ogre. Comment expliquer qu’un chat les effraie plus qu’un ogre ? Evidemment, cet effroi peut venir de la singularité et des mises en garde de ce chat. Mais un ogre - personnage tout aussi imaginaire et de surcroît considéré comme mauvais dans tous les contes ou presque - me semble tout de même autrement plus terrifiant !
D’autre part, même si l’on peut aisément admettre que le jeune maître a été bien élevé par son père, je dois dire qu’il force l’admiration : comment peut-il se faire passer sans fausse note pour un noble s’il a vécu toute sa vie pauvrement et en temps que paysan ?
* Le merveilleux tient donc évidemment au fait que le chat parle et agisse comme un homme sans que personne ne s’interroge là-dessus, mais aussi à la présence de l’ogre, dont les pouvoirs sont ceux d’une fée (il ne me semblent pas que les ogres aient habituellement des pouvoirs eux-mêmes).
* Les moralités me paraissent claires : le plus jeune fils avait hérité, à première vue, de l’héritage le moins avantageux, mais le savoir-faire de chat a rendu son maître extrêmement riche. D’autre part, le physique peut faire beaucoup dans l’amour, puisque la princesse tombe amoureuse de lui ainsi, sans lui avoir parlé.
Cela peut paraître superficiel, mais après tout l’amour et plus précisément le coup de foudre (qui vient du regard et donc s’attache au physique) n’est-il pas souvent considéré comme tout puissant dans les contes ? Du reste, l’amour de la princesse pour le faux Marquis de Carabas (et réciproquement, il va sans dire) augmentera certainement une fois qu’ils se connaîtront mieux ; pourtant, cette morale confirme ce que je disais à propos du conte précédent : la découverte de l’ « agrément invisible » de l’être aimé vient tardivement en comparaison avec l’amour par le regard, et ce dans tous les contes du XVIIème siècle sans doute.
* La première gravure de Doré illustre la « noyade » du maître du chat. Le jeune homme, qui sourit et qui en plus semble avoir pied là où il se trouve, ôte tout son tragique à la scène, tragique dû à l’air effrayant et effrayé du Chat Botté.
Pour la seconde, elle montre les paysans des terres de l’ogre autour du Chat : l’humour tient à la terreur qu’il leur inspire, car tous sont prosternés jusqu’au chien, à l’avant de l’image.
La troisième gravure est la plus sombre de toutes, du fait de la forêt et des nuages qui obscurcissent le ciel. Même l’eau représentée semble venir de nulle part (ce « nulle part » étant situé au niveau du château à ce qu’il paraît).
La quatrième illustration enfin, bien que plus claire, reste inquiétante : le chat (représenté donc sur toutes les gravures) se trouve dans le château de l’ogre. On peut voir dans la salle des corps d’enfants et d’animaux, qui rappellent la nature de l’hôte. Celui-ci est autrement plus imposant que le chat et le regarde d’un œil peu accommodant, bien qu’il soit question de « civilité » dans son accueil.
Petit détail : il est question à la fin de l’histoire d’une « magnifique collation » ; que penser alors de la réaction (émerveillée) du roi et des autres personnages, lorsque l’on voit les corps des bébés servis dans des plats ?